1) Quatre points inquiétants du projet de loi bioéthique

Article de « Famille Chrétienne » 10 juillet 2019

 

Le projet de loi, présenté en Conseil des ministres le 26 juillet, bouleverse les fondements de la bioéthique, au-delà de la PMA.

  1. PMA et conservation des ovocytes : procréation

L’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules – prise en charge par l’assurance maladie au même titre qu’une PMA réalisée pour cause d’infertilité médicale – n’est pas l’unique transgression prévue par le projet de révision de la loi de bioéthique.

Le texte prévoit par exemple la possibilité d’une PMA avec deux « tiers donneurs » : un homme et une femme. L’enfant qui en serait issu ne partagerait donc aucun patrimoine génétique avec ses parents. Une disposition qui, en plus de priver un enfant de ses parents biologiques, risque d’ouvrir demain la porte à un marché de la procréation, en permettant aux parents de choisir les caractéristiques génétiques de leur enfant. La PMA post-mortem – en cas de décès du donneur – resterait cependant interdite.

Le texte prévoit également la possibilité, pour les hommes comme pour les femmes, de conserver leurs propres gamètes pour un « projet parental » futur, disposition qui entraînerait des grossesses de plus en plus tardives, encouragées financièrement par des entreprises qui veulent contrôler la carrière de leurs salariées. Le couple est aussi fragilisé par la suppression du recueil du consentement du conjoint d’un donneur de gamètes.

  1. L’enfant, ses parents et ses origines : filiation

« Aucun lien de filiation ne peut être établi entre le donneur et l’enfant issu de la PMA. » Le nouveau texte est clair : la filiation biologique n’a plus guère de valeur pour le législateur. Mais alors, sur quoi repose le lien de filiation entre un enfant et ses parents ? Le projet de loi envisage la création d’une « déclaration anticipée de volonté » qui permettrait de « rendre compte du projet parental du couple ou de la femme » qui a recours à une PMA.

Le législateur désire également poser le principe d’égalité juridique entre les modes de filiation – sauf adoption simple. Les enfants sont-ils oubliés ? Le texte veut assurer le contraire. Il prévoit de permettre aux personnes nées d’une PMA avec tiers donneur d’avoir accès à leurs origines. Une « commission d’accès aux origines » en lien avec l’Agence de bio-médecine devrait leur permettre d’avoir accès aux « données non identifiantes » (âge, état de santé au moment du don, caractéristiques physiques, pays de naissance, motivation du don) du tiers donneur et, s’il y consent, à son identité. Or, le projet de loi se heurte à l’anonymat du donneur, principe qui conditionne fortement les dons. L’accès de l’enfant à ses origines reposerait inévitablement sur la bonne volonté du tiers donneur.

  1. L’embryon humain et l’effacement des limites : recherche embryonnaire

Le régime de l’embryon destiné à la recherche n’a cessé d’évoluer. Depuis la loi du 6 août 2013, la recherche sur l’embryon humain est passée du régime dérogatoire à une autorisation encadrée. Le projet de révision de la loi de bioéthique propose de lever de nouveaux interdits.

Le texte allégerait certaines contraintes en passant la recherche sur les cellules souches embryonnaires du régime d’autorisation encadrée – comme c’est le cas pour les embryons – à la simple déclaration à l’Agence de la biomédecine. Or, ces cellules, dérivées d’un embryon puis cultivées en lignées, sont les plus utilisées en recherche embryonnaire. Il s’agit de tirer les conclusions, affirme le texte, d’une « différence de nature entre l’embryon et les cellules souches embryonnaires ». Toutefois, si une cellule souche embryonnaire n’est pas un embryon humain en soi, le législateur semble oublier qu’elle en émane et que son prélèvement en provoque la destruction. Il n’y a donc aucune différence sur le plan éthique.

Le projet de loi étend également la durée de culture de l’embryon in vitro de sept à quatorze jours dans le cadre d’un protocole de recherche. Délai au-delà duquel il est mis fin au développement de l’embryon. Le même sort serait réservé aux embryons « qui ne font plus l’objet d’un projet parental et sont proposés par les couples concernés à la recherche, mais ne sont pas inclus dans un protocole de recherche après un délai de conservation de cinq ans ». Fin 2016, selon l’Agence de la biomédecine, 223 836 embryons étaient conservés en France. Parmi eux, 72 % faisaient encore l’objet d’un projet parental en cours.

Mais l’intégrité de la personne humaine n’est pas au bout de ses peines. Le texte se refuse à interdire la création de gamètes artificiels, procédé relativement nouveau. De plus, l’interdiction de créer des embryons transgéniques et chimériques serait remplacée par l’interdiction de la « modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces ». Une position suspecte, selon Blanche Streb, directrice de la formation et de la recherche chez Alliance Vita, qui alerte sur une dérive eugéniste : « Le prétexte de se cantonner à la recherche ne tiendra pas longtemps, car, comme ailleurs, la tentation de faire naître des bébés génétiquement modifiés, en dépit de tout principe de précaution pour la santé de ces enfants, pourrait devenir la plus forte. »

  1. Les parents de mineurs exclus : interruption de grossesse

En cas de grossesse multiple, le projet de loi ouvre la possibilité d’une interruption de grossesse partielle avant la douzième semaine de grossesse « lorsqu’elle permet de réduire les risques d’une grossesse dont le caractère multiple met en péril la santé de la femme, des embryons ou des fœtus ». Le texte vise explicitement à réduire le nombre de grossesses multiples. Jusqu’à présent, celles-ci n’entraient pas, heureusement, dans les critères d’interruption médicale de grossesse.

Le texte supprime également le devoir du médecin de proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine à la femme en cas d’interruption médicale de grossesse (IMG). Le législateur lève un autre garde-fou en considérant que la consultation des parents d’une mineure non émancipée qui souhaite réaliser une IMG n’est plus indispensable. Le médecin devra « s’efforcer » de convaincre la jeune femme de consulter ses parents. Mais la décision finale reviendrait à la jeune femme, excluant les parents de cette responsabilité.

Des députés LREM veulent débattre de la GPA

Absente du projet de révision de la loi de bioéthique – qui sera débattu au Parlement en septembre –, la gestation pour autrui (GPA) devrait bien rester interdite. C’est en tout cas ce qu’avait promis le gouvernement.

Mais certains élus de la majorité favorables à la GPA ne comptent pas en rester là. Plusieurs députés de La République en marche ont manifesté, dans les colonnes de Mediapart, leur souhait que la GPA soit également débattue en septembre. Parmi eux, l’ex-membre du gouvernement, Mounir Mahjoubi, a pour ambition d’inscrire « dans la loi qu’il faudra débattre de la GPA ». Quant à Aurélien Taché, figure de l’aile gauche de La République en marche, il a déclaré vouloir voter un amendement dans le sens d’une « GPA éthique, gratuite, entre sœurs ».