« Je crois »

Le premier mot de notre profession de foi, lui a donné son nom : « Credo », c'est-à-dire « Je crois ».
D'où nous vient le texte du Credo ?
Il fut établi par les évêques de l'Eglise universelle réunis en un concile dans la ville de Chalcédoine (Turquie actuelle) en 381. Il reprend, en grande partie, celui du concile de Nicée de l'année 325.
A-t-on besoin d'un texte pour dire sa foi ?
La norme de la foi reste l'Evangile. L'Evangile au sens large et plénier n'est pas contenu dans un document écrit, il est la Bonne Nouvelle de la Personne même du Christ que ne peut contenir aucun document écrit comme le dit saint Jean : « si on devait écrire tout ce que Jésus a fait le monde entier ne pourrait contenir les livres qu'on écrirait » (Jn XXI 25). Le besoin d'un texte écrit, bref et commun à tous, s'est fait sentir comme une nécessité du point de vue des croyants. Il est le critère qui permet de dire : « nous partageons la même foi ». Qu'est-ce qui peut unir des individus si leur point commun ne peut être défini ?
Le texte que nous utilisons n'est-il pas trop ancien et, à ce titre, obsolète ?
L'Evangile a la capacité de répondre à chaque génération nouvelle avec ses propres questions, il faut donc que ce texte commun du Credo (qui ne peut figer la Vérité qui n'est pas une doctrine mais une Personne) soit assez précis et en même temps ouvert. Voilà pourquoi, au cours de l'histoire de nouveaux catéchismes sont publiés sur la même base, jamais en contradiction, mais avec des éclairages nouveaux et que le texte même du Credo a été sujet à des interprétations qui firent débat. Cependant il a toujours été reconnu comme normatif, certainement parce que l'Esprit-Saint a inspiré sa rédaction, selon la promesse faite par le Christ à ses apôtres quand il leur a dit : « qui vous écoute, m'écoute » (Lc X 16). Expérience merveilleuse des époques conciliaires où à Nicée I, à Constantinople I, Vatican II et tant d'autres encore, l'Eglise s'est mise tout entière à l'écoute de son Maître pour faire retentir sa Voix.

En parcourant chacun des articles du Credo, nous comprendrons que loin de l'enfermer, ils sont, selon la belle expression de Benoît XVI parlant des dogmes, « une fenêtre ouverte sur la Vérité »...

 

Notre Profession de foi commence en français par le pronom personnel singulier « Je », qui correspond au terme latin « Credo ». Il n'est pas anodin de noter que, dans l'autre version du texte original, la version grecque, il s'agit d'un pluriel : « Nous croyons ».

Les deux versions ont quelque chose à nous dire.

Le « Nous » rappelle que l'acte de croire fait entrer l'individu croyant dans le chœur (au sens d'ensemble choral) de l'Eglise et le fait sortir de la prison de son « moi », de sa propre opinion, de son subjectivisme qui ne le ramèneront toujours qu'à lui-même, à ses questions et à ses propres réponses.

Le « Je » redit aussi que l'individu doit donner une réponse personnelle, que Dieu attend et respecte le choix qui ne peut qu'être individuel de l'homme. On ne peut s'abriter en permanence derrière les autres, et je sais que je me trouverai, un jour, seul face à ma propre responsabilité quand, devant Dieu, je devrai rendre compte de ma vie. Jamais, non plus, l'appartenance à l'Eglise ou l'entrée dans le Royaume de Dieu ne fait disparaître l'être humain dans un collectif, si lumineux soit-il. C'est à un face à face personnel que je suis appelé, c'est d'un amour unique que je suis aimé : c'est avec un « je » unique que je dois y répondre, avec la liberté qui m'est propre et que je ne peux abdiquer.

En allant un peu plus loin, ce « nous » et ce « je » révèlent les deux aspects de la foi (ce que les théologiens appellent de noms savants : la « fides quae » et la « fides qua ») : la « foi qui » est crue et la « foi avec laquelle » je crois.
La foi qui est crue est le contenu commun de la foi, celui que l'Eglise a pu écrire il y a près de dix-sept siècles et peut tenir encore aujourd'hui, tant il est vrai que ce qui est de foi catholique est ce qui a toujours été cru par l'universalité de l'Eglise. C'est la foi du « nous » de l'Eglise.
La foi avec laquelle je crois n'est certainement pas une manière d'arranger « à sa sauce » la foi de l'Eglise en prenant et en laissant les articles à mon gré comme si j'y faisais mon marché. C'est, dans le cadre non négociable de la totalité du Credo, ma façon forcément unique de vivre ma foi comme une relation personnelle avec Dieu.

 

Croire ou comprendre ? Comment pouvons-nous dire : « je crois » ? Cette question revient par exemple sur les lèvres de parents appelés à confesser la foi de l'Eglise le jour du baptême de leur enfant, « Dieu, je ne l'ai jamais vu », « je ne comprends pas bien », etc.
Heureusement que nous ne « com-prenons » pas ! Comprendre, c'est saisir, c'est faire le tour, c'est d'une certaine façon, s'être rendu maître de quelque chose ou de quelqu'un, et Dieu ne m'appartiendra jamais !
Dieu n'est ni de l'ordre de l'absurde, ni de l'inconnaissable, mais croire en lui n'a rien à voir avec l'évidence qui s'impose au terme d'une enquête. Saint Paul peut ainsi affirmer que la foi n'existera plus dans l'au-delà : puisqu'il n'y aura plus de place pour cet acte d'amour et de confiance qui ne m'est permis que grâce à l'obscurité dans laquelle je marche ici-bas. Tout le monde connaît cette phrase du poète : « c'est la nuit qu'il est beau de croire à la lumière ».
Pour autant, l'objet de notre foi ne s'oppose pas à la raison et celle-ci est capable d'atteindre une partie de la vérité sur Dieu, à commencer par son existence qui peut se déduire de la Création.
Tout ce qui provient de la Révélation vient compléter ce que nous pouvons pressentir par l'intelligence et ne peut qu'être en harmonie avec la raison, mais elle la dépasse et nous fait accéder à un type de connaissance supérieur.

Par la foi, j'accède à Dieu d'une manière juste : personnelle, humble, filiale, amoureuse, fragile, jamais rassasiée, toujours nouvelle, toujours plus riche et qui m'oblige à m'impliquer moi-même, ce que je ne ferai jamais à l'égard de ce que je ne « connais » ou de ce que je ne « comprends » que par la raison.

D'où vient ma foi ? Des intermédiaires ont pu être de bons relais : parents, maîtres, culture ambiante, rencontres ou aléas de la vie. Mais à l'origine, il y a toujours Dieu lui-même. La foi est d'abord un don et un appel qui vient d'en haut. Ma réponse libre - toujours nécessaire - n'en sera que plus reconnaissante.

Pourquoi tous ne croient-ils pas ? En raison du dysfonctionnement des relais humains, de la surdité et de la liberté personnelles. Dieu a aussi pour chacun son heure pour lui faire ce don, que la prière peut hâter et préparer.

La foi reste la porte indispensable au salut : « celui qui ne croira pas, sera condamné » dit Jésus (Mt 16,16). Condition nécessaire pour entrer en contact avec Dieu dès maintenant, elle est le commencement de la vie éternelle.
Il me souvient de cette tombe d'un petit cimetière de Bourgogne, marquée de ce seul mot : « Credo », comme la fière protestation de celui qui a trouvé la clé capable de lui ouvrir les portes de la Vie et qui sait qu'il ne pourra jamais se prévaloir de rien d'autre devant Dieu.