L’orthographe du nom de notre saint varie selon que l’on retient sa forme savante « Aygulphe » (ou Aigulphe) ou la forme populaire « Aygulf », d’autres variantes le déclinent à l’infini.

 

Deux « Vies » latines, composées à Fleury-sur-Loire au IXème siècle furent consacrées à saint Aygulphe. 

image003La première, anonyme, aurait été réécrite un peu plus tard, augmentée d’un certain nombre d’événements d’une authenticité douteuse, par Adrevald, moine de Fleury.

D’après la première biographie, jugée plus sûre par les bollandistes, il serait né dans le pays de Blois vers 630, il entre dans sa vingtième année à l’abbaye de Fleury récemment fondée.

 

Adrevald, soucieux d’établir un lien étroit entre Aygulphe et saint Benoît est à l’origine de ce que les Bollandistes considèrent avec prudence :

image005à cette époque, le monastère du Mont-Cassin, près de Naples, détruit en 577 par les Lombards, est encore en ruines ; Aygulphe, avec deux compagnons, mandatés par Mummole, leur abbé, aurait été chargé d’y récupérer les corps de saint Benoît, patriarche des moines d’Occident, mort au Mont-Cassin en 547, et de sa sœur sainte Scholastique dont la dépouille sera déposée au Mans. Les reliques feront la gloire de l’abbaye de Fleury qui prendra alors le nom de « Saint-Benoît-sur-Loire » et s’honore encore aujourd’hui de la présence de ses précieux restes.

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Le pape saint Vitalien (657-672), qui n’apprécia pas l’expédition, en excommunia les protagonistes dans un premier temps, avant de revenir sur sa décision devant les miracles opérés par l’intercession de saint Benoît.

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Aygulphe devint abbé de Lérins vers 671 à la demande des moines de l’île que les barbares venaient de dévaster.

Les abbés qui se seraient succédés à Lérins jusqu’à la fin du VIIème siècle sont : Honorat, Maxime, Fauste de Riez, Anselme, Porcaire I, Honorat II, Abbon, Marin, Florian, Virgile, Etienne, Conon, Nazaire, Maxime II, Eucher, Vincent, Aigulfe (cf Histoire de l’abbaye de Lérins, p. 52), ce qui fait d’Aygulphe le dix-septième abbé de l’île.

 

Il y travailla à restaurer la discipline monastique, substituant la règle de saint Benoît aux règles propres suivies jusqu’alors. Sa « Vie », écrite au moment où l’empire carolingien multiplie les efforts en vue de l’unité monastique du royaume, magnifie l'action de saint Aygulphe en faveur de la Règle bénédictine.

C’est peut-être sous son abbatiat qu’est reçue la profession de saint Benoît Biscop qui partira ensuite fonder les monastères de Wearmouth et de Jarrow où fut formé saint Bède le Vénérable.

Une tradition mal établie attribue à Aygulphe la réforme du monastère féminin d’Arluc (Saint-Cassien, à l’ouest de Cannes) fondé par son prédécesseur Nazaire et à la tête duquel il aurait placé Angarisma, originaire, comme lui, de Blois.

image011A Lérins, sa fermeté fit des mécontents parmi les moines, notamment deux d’entre eux : Arcade et Colombe. Ceux-ci firent jeter l’abbé et quelques compagnons dans un cachot où ils furent visités et réconfortés par l’archange saint Michel, selon la tradition ; puis ils firent appel au princeps d’Uzès qui leur envoya des soldats qui les transportèrent sur l’île de Capraia (au nord-est de la Corse) où ils furent décapités en 677. La tradition précise encore qu’on leur avait coupé la langue et crevé les yeux avant de les décapiter.

                        

image014Le massacre attribué selon certaines sources à des « sarrasins » peut être imputé, selon la terminologie de l’époque, à toute sorte de brigands ou de pirates. C’est en tout cas la version du Martyrologe romain : « In insula Lirinensi in Provincia, sancti Aigulphi, abbatis, et sociorum monachorum, qui a Saracenis incursionem facientibus martyrium subiisse censentur. » (ca 675)

Il est cependant avéré qu’à la fin de l’époque mérovingienne la Provence, comme l’Aquitaine et le Languedoc et bien d’autres régions ne sont pas épargnés par les événements tragiques des incursions sarrasines.

L’histoire posthume

Ramenés à Lérins au printemps qui suivit sa mort, ses restes seront longtemps vénérés dans la chapelle Sainte-Croix du monastère fortifié, comme en témoigne la plaque qui en surmonte encore l’entrée. Aujourd’hui ils sont déposés dans une châsse de bois dans l’église abbatiale.

La légende se mêle ensuite à l’histoire quant aux vicissitudes du corps du martyr qui avait été chasseur de reliques…

L’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire aurait possédé le corps de saint Aygulphe, au moins en partie. La ville de Provins, quant à elle, lui bâtit une église (« Saint-Ayoul ») sur le lieu où, en 996, aurait été découverte sa dépouille prétendument cachée par des moines de Saint-Benoît-sur-Loire fuyant les Normands au siècle précédent. Voilà, au moins, qui en dit long sur la popularité de notre saint.

Les bénédictines de Montmartre décideront en 1666 d’honorer saint Aygulf le 3 septembre par un office de rite double parce qu’elles prétendent en détenir les reliques (cf abbé Leboeuf. Histoire la ville et du diocèse de Paris, Paris, t.I, 1883, p.447)

image016Au XVIIIème siècle, les reliques du monastère de Lérins furent dispersées par Mgr d’Estienne de Saint-Jean de Prunières, évêque de Grasse, entre des sanctuaires de son diocèse. Ainsi la cathédrale de Grasse eut les bustes d’argent de saint Honorat et de saint Aygulphe.

Un autel lui a aussi été récemment érigé à l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire.

En raison des particularités de son martyre saint Aygulphe est invoqué pour guérir des maladies oculaires, ainsi que pour obtenir la pluie par son intercession, à cause de l’homophonie entre son nom et celui de l’eau (aygue).

Enfin, une légende postérieure visant à expliquer la permanence de son culte à Roquebrune-sur-Argens où son nom restait attaché au petit port de pêche voisin, fera de ces rivages le lieu ou échoua la barque contenant ses reliques.

En fait, plusieurs chapelles lui avaient été consacrées sur les côtes dans les territoires dépendant de l’abbaye.